Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler d’une femme particulière, qui n’a pas grand chose à voir avec le bio, certes, mais beaucoup avec la cosmétique moderne.

Helena Rubinstein.

J’ai re-découvert cette dame, à travers un beau livre : Madame Avant-Garde, Helena Rubinstein aux éditions du Cherche-Midi.

Pourquoi voulais-je vous parler d’elle ?

Parce que c’était une femme libre, qui n’a pas hésité à prendre sa place dans un monde d’hommes. La première self-made woman…

Et je suis persuadée que si elle vivait encore, elle aurait pris le virage du bio bien avant tout le monde !

Dans ce livre, on apprend qu’Helena fut l’ainé de huit filles dans une famille juive orthodoxe de Cracovie.
Elle alla à l’encontre de son père bien des fois, et partit en Australie à la rencontre d’un oncle jamais vu à l’âge de 24 ans, pour fuir un mariage arrangé !

À Melbourne, elle apprend l’anglais, travaille pour son oncle le jour et prépare des onguents pour les autochtones dans la cuisine familiale, le soir venu.
Les femmes se plaignant sans cesse de leur peau brulée par le soleil australien.
À cette époque, elle mélangeait l’amande, différentes écorces et  des mélanges d’herbes pour obtenir sa crème Valaze (qui signifie “don du ciel” en Hongrois) !

Face au succès rencontré par sa création, elle crée sa société, Helena Rubinstein, en 1902, à 30 ans.

Sa première égérie, Nellie Stewart, une star de la scène australienne, retrouve son teint de jeune fille, après avoir utilisé la crème miracle d’Helena.

Sa boutique nommée Valaze, propose alors des crèmes, des lotions et des savons, qu’elle adapte alors à chaque type de peau. Très novateur pour l’époque. Elle inventera plus tard la classification des peaux par type.
Elle ne se déplaçait jamais sans son ombrelle, parce qu’elle savait déjà que les rayons solaires n’étaient pas bons pour la peau.

Elle invente également le concept de cabine esthétique à cette période, ainsi que l’institut de beauté.
Elle prodigue personnellement à chaque cliente, ses conseils pour l’application de ses soins.

En 1905, elle part à l’assaut de l’Europe, à la recherche de spécialistes (dermatologues, diététiciens, etc…), et des artistes qui promeuvent alors ses produits de maquillage.
(Le maquillage était alors réservé aux femmes de mauvaise vie.).

Elle est persuadée, que la beauté et la science sont liées.
Elle pense que le fait d’avoir une jolie peau ne dépend pas uniquement de la crème que l’on utilise, mais que cela relève d’un tout. D’une certaine manière, sa vision est assez holistique.

Elle se marie la même année à 34 ans, au journaliste américain Edward William Titus, avec qui elle aura deux fils.

Très vite Helena comprend l’importance de la réclame.
Ainsi, son mari collaborera à la mise au point de ses slogans publicitaires.

Dans la foulée, elle ouvre une seconde boutique à Londres, où elle s’installe.

Elle rencontre Marie Curie, qui lui apprend que la peau respire également.
Elle arrive a convaincre le corps médical que la beauté n’est pas si futile que cela.
Ainsi, elle est la première a faire tester tous ses cosmétiques par des scientifiques.

La réputation du sérieux de son entreprise fait vite le tour du monde des affaires.

En 1912, elle s’installe à Paris, parce que les femmes parisiennes sont bien plus friandes de cosmétiques que les anglaises !

C’est là qu’elle découvre le monde de l’Art à Montparnasse, et tous les artistes contemporains, peintre et écrivains et musiciens : Marc Chagall, Salvador Dali, Pablo Picasso, Jean Cocteau, Louis Marcoussis, Louise de Vilmorin, Colette, Misia Sert, Juan Miro, Marie Laurencin, Raoul Dufy, Amadeo Modigliani et bien d’autres…

Mais également le monde de la Mode, avec Paul Poiret et Coco Chanel, qui à l’époque libèrent le corps corseté de la femme.

De gauche à droite : Helena Rubinstein, Diego Rivera et Frida Khalo.

Elle participe à l’émancipation des femmes, à travers leur beauté, qu’elle décrit comme un pouvoir : “Il n’y a rien de frivole à vouloir être belle, et du reste les droits politiques, le travail, l’autonomie financière vont de pair avec l’amélioration de l’apparence”.

Elle fait scandale dans sa Clinique de Beauté de la rue Saint Honoré lorsqu’elle propose des massages du corps à sa clientèle.
Pensez-vous se faire masser nue à l’époque !!!
Colette viendra donc à sa rescousse, en lançant ainsi la mode !

En 1914, Helena part vivre aux États-Unis, laissant mari et fils en Europe. Elle ouvre son premier institut à New York, puis deux autres à Chicago et Boston.

Cette fois la concurrence est rude, puisqu’elle n’est plus la seule : Elisabeth Arden et Estée Lauder occupent déjà le marché américain de la cosmétique !
La compétition avec Elisabeth Arden durera jusqu’à la fin de leurs jours !

Madame, comme elle aime se faire appeler, crée la profession d’esthéticienne, en déléguant à ses vendeuses les protocoles de beauté. Elle déplore de ne plus avoir assez de temps pour prodiguer elle-même ses soins à sa clientèle.

L’électro-stimulation était également utilisée dans les Maisons de Beauté, pour combattre les signes du vieillissement.

En 1939, Madame lance son mascara waterproof.
Quelle plus belle opportunité que l’Exposition Universelle de New York pour le lancement du produit ?

Lors de l’ouverture de l’exposition, a lieu un ballet aquatique, et toutes les nageuses sont parées de la dernière création d’Helena Rubinstein.
Madame crée l’évènement marketing.

Véritable collectionneuse d’Art, elle fut également un mécène pour de nombreux créateurs. La liste des artistes qu’elle rencontra est proprement hallucinante !

Comme vous l’aurez compris, ce petit bout de femme d’1,47 m, fut extrêmement prolifique tout au long de sa vie.
Elle créa nombre de concepts, tout en mettant toujours la Femme à l’honneur, que ce soit à travers ses cosmétiques, mais également dans la gestion de ses affaires.

Alors, bien que la marque Helena Rubinstein ne soit pas bio, la trajectoire de l’Impératrice de la Beauté est très inspirante, et ce livre précieux lui rend un très bel hommage.
Les photos d’illustrations sont magnifiques et la mise en page ultra luxueuse.

À confier à toutes les beautystas en mal de culture !

Madame Avant-Garde, Helena Rubinstein, collectif, préface de Michèle Fitoussi aux éditions du Cherche Midi, 40,00€.