theo colbornAlors, habituellement les articles sont plus légers, traités avec plus d’humour, mais aujourd’hui, j’ai envie de vous parler de cette femme hors du commun qu’était Theo Colborn.

C’est Theo et son équipe qui ont théorisé sur l’effet des produits chimiques, de leurs combinaisons, et de leurs éventuelles implications dans la perturbation des hormones endocrines.

Laissez moi vous raconter son histoire…

Née le 28 mars 1927 à Plainfield dans le New Jersey, cette femme au parcours atypique commence a étudié les sciences à l’université de Rutgers, et obtient son diplôme en 1947.

Après avoir été technicienne de laboratoire et pharmacienne, elle quitte la côté Est un beau jour de 1960, et décide de partir avec son mari et ses quatre enfants,pour le Colorado, y élever des moutons…

Là-bas, elle ne tarde pas à se rapprocher des mouvements écologistes locaux !

Après cette expérience bucolique et enrichissante auprès de ses bêtes, elle décide de reprendre des études. Cette fois elle étudiera la zoologie à l’université du Wisconsin-Madison, et elle en sort Docteur à l’âge de 58 ans !!!WWF

En 1987, alors qu’elle fait partie de la WWF (World Wildlife Found) en tant que zoologue et biologiste, intriguée par le fait que beaucoup d’animaux vivant près des Grands Lacs canado-américains présentaient des troubles physiologiques et/ou comportementaux, nouveaux et typiques (des jeunes nés avec des malformations congénitales, des poissons présentant des troubles de la thyroïde, des oiseaux incapables de se défendre contre leurs prédateurs…), elle rédige un très grand rapport sur les études qu’elle a pu réaliser sur place et les effets de la pollution des eaux sur l’écosystème.

Inutile de vous dire à quel point ses travaux sont riches d’enseignement, puisqu’il n’existait alors jusque là aucune étude à ce sujet.

Perturbateurs endocriniensEn 1991, elle décide de constituer un collège de 21 scientifiques , toute spécialité confondue à Wingspread, pour étudier l’effet des produits chimiques sur les hormones. Gigantesque programme et surtout énorme casse-tête, pour cette pionnière et son équipe, puisque rien n’avait jamais été réalisé jusque là. Ils réussissent pourtant à organiser les pièces de ce colossal “puzzle”. En émerge une vision globale de ce qui se joue partout dans les écosystèmes exposés à des polluants particuliers qui semblent interférer avec le système hormonal des êtres vivants.

À la suite de la conférence dédiée à ce rapport, ils publient “l’appel de Wingspread”, et Theo est qualifiée scientifique principale de la WWF.

C’est de cette vaste étude que naitra le terme “perturbateur endocrinien”.

En 1996, elle publie son premier livre Our Stolen Future(1), en collaboration avec la journaliste Dianne Dumanoski et le biologiste John Peterson Myers, préfacé par Al Gore (dont on connait bien son engagement et ses implication pour l’environnement, ses inquiétudes sur le changement climatique dû aux activités humaines, et surtout prix Nobel de la Paix en 2007).Livre

Cet ouvrage va révolutionner la façon de penser des toxicologues du Monde entier. Cette théorie est maintenant totalement admise par les plus grands scientifiques, qui parlent aujourd’hui « d’origine développementale de la santé et des maladies » en pointant l’importance de tenir le fœtus à l’écart de ces polluants perturbateurs endocriniens qui sont susceptibles de faire apparaître plus tard dans la vie certains cancers, des maladies neurodégénératives, des problèmes de reproduction, de métabolisme…

Sans Theo, son équipe et leurs avancées dans leurs recherches, aucune loi actuelle telle que l’interdiction d’utiliser le Bisphénol A (BPA) n’aurait vu le jour. Nous n’aurions également aucune inquiétude à l’égard du paraben et autres substances…

Ses travaux sont actuellement pris en compte dans les législations européennes sur les pesticides, et autres produits chimiques…

Theo aurait pu couler une retraite heureuse et sans vague, mais c’est mal connaitre le caractère bien trempé de cette femme qui semblait si fragile !

LOGO TEDXEn 2003, elle crée sa propre fondation, l’ONG TEDX (The Endocrine Disruption eXchange) qui recense les multiples études réalisées sur les perturbateurs endocriniens, à visée des universitaires, des décideurs, des gouvernements, des groupes d’assistance sanitaire et sociale, des structures en charge de la santé publique, des médecins, des médias et toute autre bonne volonté.

Nommée professeur émérite de zoologie à l’Université de Gainesville en Floride, elle continuera de clamer haut et fort les dangers d’autres notions encore trop mal mesurées, celles de « faibles doses », d’« effets cocktail » ou encore d’« impact intergénérationnel sur la santé ».

 

Scientifique et lanceuse d’alerte, elle le fut jusqu’à son dernier souffle, le 14 décembre 2014.

(1) L’Homme en voie de disparition de Théo Colborn, Dianne Dumanoski, John-Peterson Myers aux éditions Terre Vivante.